Né à Saint-Félicien au nord du Québec en 1954, Alain Claude déménage avec sa famille à Ville LeMoyne sur la Rive-Sud de Montréal. Cet événement laissait présager de grands bouleversements. Alain a connu une jeunesse plutôt tourmentée et commence à travailler avant d’avoir parachevé ses études. Après avoir travaillé en Belgique, il effectue des études en lettres au Collège et en Relations industrielles à l’Université de Montréal. Il est désormais retraité à la fin de sa carrière comme gestionnaire en ressources humaines et en santé-sécurité.

« À force de courir, on perd l’essentiel – le contact avec ses rêves »

Chacun d’entre nous, comme une chenille dans son cocon, dans notre processus de transformation, de jour en jour, nous notre vie s’ouvre grand les bras. Nous vivons dans un monde bien contrôlé. Comme une chenille dans sa chrysalide, nous vivons entourés de personnages, de biens, d’objets, d’outils, qui nous sécurisent. Plusieurs d’entre nous ne désirent pas éclore et devenir un jour papillon. C’est très bien ainsi. Tous ne peuvent ou doivent devenir papillon.

D’autres par contre, tôt ou tard, vont se refermer sur eux-mêmes toute une vie en abandonnant aux autres le droit à la parole et le droit à l’opinion. C’est ainsi qu’on fait partie de la majorité dite silencieuse. Pour ceux et celles qui deviennent papillon, ils sont habités, malgré eux, par les craintes qu’apportent le vent et le soleil brûlant. Ils se déplaceront en se demandant tout le temps ce dont sont faites les fleurs sur une autre branche. Bien évidemment, devenir papillon est excitant, mais combien risquée est cette aventure ? Je ne sais pas si pour moi devenir papillon sera une aventure heureuse ou triste.

En sommes, la question n’est pas de savoir s’il est préférable d’être une cheville ou un papillon, mais plutôt de savoir quels types de risques nous sommes prêts à prendre à son compte dans sa vie. Soit rechercher le calme rassurant et chaud de notre chrysalide ou l’excitation de la création et le vol incertain d’un papillon en pleine forêt.

Aujourd’hui, je sors de ma chrysalide pour la première fois. La vie a su m’enlever ce qu’il fallait pour que j’aie le besoin de prendre un crayon comme s’il s’agissait d’une arme.
En effet, on porte en soi un roman comme on va en guerre.

Parcours

Je crois que j’ai été un enfant aimé. En fait, tout autant que mes frères et sœurs. J’ai eu une éducation catholique. En n’oubliant pas toutes les étapes obligatoires prévues au parcours de la sacro-sainte religion catholique: passant du petit catéchisme à la première communion et, plus tard, une communion solennelle. Je me souviens encore de ces messes dominicales qui me faisaient bâiller et m’ennuyaient à mourir.

J’ai été et je serai toujours très vulnérable à l’indifférence des autres. Lors des fêtes familiales qui ont toujours été des prétextes à de lourdes mangeailles. J’ai souvenir encore de mes oncles, le ventre bien rond finissant une dernière cigarette et encore une autre dernière bière.

Depuis ma tendre enfance, un sentiment d’abnégation a fait partie de ma vie et entraînera toujours avec elle une sorte de perforation du cœur que rien ne pourra colmater. Peut-être, est-ce là le sens de ma vie ? Me réapproprier, au hasard des jours, la nourriture du corps et de l’esprit qui m’a été donné et parfois repris.

Il ne me restait plus alors pour moi, encore petit, qu’à me réfugier dans l’univers douillet et sécurisant des tantes qui venaient à l’occasion à la maison. Elles me paraissaient belles, accueillantes et brûlantes. Il émanait d’elles une telle tendresse. Tout cela amalgamé aux sucreries de «bonbons à ‘patates» et à mes rêves de coureurs des bois en quête d’une chasse-galerie pour m’envoler vers des pays impossibles. Je me forgeais en douceur avec le temps une bonne haine, bien tenace, des simagrées de familles. Très jeune, je me suis juré que je ne serais plus de ces gens qui viennent au monde que pour mourir un peu à chaque jour avec sa peine au plus profond de soi. Ce genre de peine qu’on traine toute sa vie, sans trop savoir pour quoi et pour qui. Là aussi, la vie s’est jouée de moi.

Mes jeux de l’enfance ont été faits de guerres d’Indiens et de cowboys. Dans mon Saint-Félicien du bout du monde, j’étais certain qu’un jour j’allais rencontrer le dernier des Mohicans, là, dans la cour à bois d’une scierie près de chez nous. Même que parfois je croyais que j’allais être volé dans mon sommeil par Timéo, le quêteux du coin, car il devait bien manger des enfants de temps en temps. J’en étais certain.

De victoires en défaites et de défaites en victoires, j’ai fait une grande découverte. Peu importe les mondes illusoires dans lesquels nous vaquons à nos occupations, il n’y a que dans nos échanges quotidiens, chacun, pour ou contre l’autre, que se cache le sens de nos paradigmes bien enfouis au plus profond de nous. Un jour, il fait beau, le lendemain …on verra.

Je suis un artisan de l’écriture. Je pratique mon art seul dans le silence. Et pour la première fois, je me suis adressé au grand public par le biais de mon premier roman.

Pensées et principes personnels

J’aime parfois les digressions philosophiques. Je suis bouillant de détermination. J’ai toujours eu l’envie de l’écriture et cela même si parfois je sais qu’elle peut révéler de grandes joies, mais aussi une certaine douleur. J’ai parfois l’impression que toute ma vie est comme une déchirure qui progresse un peu tous les ans. La vie m’apporte aussi tellement de belles découvertes.

Sur le plan politique, j’ai parfois l’impression qu’il en est de même pour tous les peuples qui ont été écrasés ou conquis.

Je cherche à rompre le cercle de mes paysages de l’enfance. J’ai un grand appétit de vivre et je serai toujours un grand rêveur. J’en veux aux adultes d’être si terre à terre. Je suis un mélange de conformisme et de raison. J’ai été élevé dans la notion du péché et quelque chose de plus grave encore, celui du péché d’amour.

Les sujets qui m’intéressent particulièrement

Tous les sujets m’intéressent, mais j’aime beaucoup discuter de création et d’art. La politique est un sujet incontournable.

Lectures – Jean-Jacques Rousseau

Son tempérament, son passé, son sens de la liberté et de la justice font de lui un être à part. Je partage avec lui ses blessures sur notre société que je qualifierais de corrompue. Son discours sur La propriété qui est à la source de notre société et de l’inégalité est encore, de nos jours, très actuel. J’aime beaucoup sa perspicacité vibrante.

Les lieux qui m’ont inspiré

Bruxelles (Belgique), la gracieuse – Daramsala (Inde), la vraie – Île Notre-Dame et Sainte-Hélène à Montréal, les îles de rêve – Paris (France), mon chez-nous littéraire.

Citations

Pour parler de ma démarche, je dois dire qu’elle est liée à un artiste, Jacques Brel, qui m’a progressivement atteint. Ce dernier disait de son vivant le plus simplement du monde…

Un homme passe sa vie à compenser son enfance. Un homme se termine vers seize ou dix-sept ans. Il a eu tous ses rêves. Il ne les connaît pas, mais ils sont passés en lui.

Je rêvais de devenir Vasco de Gama. Les hommes sont faits pour ça. Je regardais les gens autour de moi, les voisins, les commerçants, les riches, les pauvres, et je me disais : ce n’est pas possible que ce soit ça la vie ! Que ce soit suffisant…

Le rire est dans le cœur, le mot dans le regard, le cœur est voyageur, et l’avenir est au hasard.

Il n’y a pas de gens méchants. Il y a des gens bêtes, et ça n’est pas leur faute, et des gens qui ont peur, et ça c’est de leur faute. (…) La bêtise, c’est de la paresse. Une espèce de graisse autour du cœur et de cerveau.